Air France aux urgences ! Le Canadien Benjamin Smith, nouveau D.G. d’Air France-KLM arrive à la rescousse

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Aéro-News (Benjamin Smith, nouveau D.G. d’Air France-KLM) – un mois après l’annonce de sa nomination, le nouveau directeur général d’Air France-KLM, Benjamin Smith prend officiellement ses fonctions ce lundi 17 septembre 2018.

Selon certaines indiscrétions, l’ancien numéro deux d’Air Canada avait déjà commencé à rencontrer les principaux dirigeants du groupe.

Anne-Marie Couderc, la présidente non-exécutive d’Air France-KLM, l’a annoncé vendredi en interne. « Ben a accéléré son arrivée, a-t-elle indiqué.Je compte sur vous pour lui réserver le meilleur accueil ».

  • Benjamin Smith, « Ben » pour Anne-Marie Couderc, se distingue déjà par un profil original

Sans être saluée par des hourras, l’arrivée de Benjamin Smith représente un certain soulagement mêlé d’espoir prudent chez Air France-KLM. Elle met formellement fin à une période d’incertitude de quatre mois, ouverte  par le vote de rejet du projet d’accord salarial et la démission du PDG , Jean-Marc Janaillac. Elle constitue aussi une promesse de rupture dans l’histoire d’Air France, Benjamin Smith étant à la fois le premier étranger et le plus jeune patron jamais nommé à la tête d’Air France-KLM.

Mais c’est aussi et surtout la première fois qu’Air France-KLM se choisit un professionnel expérimenté, ayant fait toute sa carrière dans le transport aérien. Tous ses prédécesseurs, même s’ils avaient quelques connaissances du secteur, étaient issus de la haute administration française.

Un parcours réussi chez Air Canada

Anne-Marie Couderc n’a manqué d’insister sur ce point : « Ben est spécialiste reconnu du transport aérien au plan international, a-t-elle souligné. C’est un vrai passionné d’aviation. Il lui a consacré toute sa carrière professionnelle ». Entré en 2002 chez Air Canada, après avoir dirigé sa propre agence de voyages, Benjamin Smith était jusqu’à présent resté dans l’ombre du PDG d’Air Canada, Calin Rovinescu.

Cependant, il a manifesté joué un rôle de premier plan dans le redressement d’Air Canada, en pilotant notamment la réorganisation des opérations ente les trois principaux hubs de Toronto, Montréal et Vancouver, la restructuration du cargo et le lancement de la filiale low cost Air Canada Rouge. Autant de sujets d’actualité chez Air France-KLM.

Le sens de la communication

D’après quelques témoignages recueillis auprès de salariés d’Air Canada, Benjamin Smith a su se faire apprécier à ses différents postes. Perçu comme un « homme de terrain et de dialogue », « Ben » avait notamment pour habitude de faire la tournée des popotes plusieurs fois par an, pour expliquer ses décisions aux employés d’Air Canada.

A chaque intervention, il insistait notamment sur la nécessité pour chaque salarié, de placer le service au client au coeur des préoccupations. Un sens de la communication qui devrait lui être utile chez Air France-KLM.

La question des revendications salariales

Cependant, Benjamin Smith va devoir surmonter des obstacles bien plus redoutables chez Air France-KLM. A commencer par la question des revendications salariales chez Air France. Si l’intersyndicale a finalement décidé, il y a une semaine, de ne pas déposer de nouveau préavis de grève dans l’attente de l’arrivée du nouveau directeur général, ses principaux représentants n’ont pas caché leur impatience.

La polémique suscitée par le triplement potentiel de sa rémunération – avec un fixe porté de 600.00 à 900.000 euros et une part variable qui pourrait atteindre 3,6 millions – assortie d’un parachute doré équivalent à deux ans de salaires, ainsi que l’annonce d’un accord salarial entre la direction et le syndicat de pilotes de KLM, n’ont évidemment pas arrangé les choses.

Mise en garde du syndicat de pilotes

« Toute tentative visant à repousser la conclusion d’un accord portant sur les salaires sera […] perçue comme une attitude extrêmement mal venue », prévient le principal syndicat de pilotes SNPL AF, qui met également en garde les dirigeants d’Air France contre la tentation d’attendre début décembre, l’élection d’un nouveau bureau du  SNPL AF , « plus conciliant », pour faire des concessions. « Espérons que ce genre de méthode disparaîtra avec l’arrivée de notre nouveau dirigeant et que le pragmatisme l’emportera sur le dogmatisme », écrit le SNPL AF, dont le poids reste déterminant chez Air France.

Négociations obligatoires

Car contrairement à Air Canada _ où la direction avait pu imposer aux syndicats une révision à la baisse des accords sans que ces derniers puissent recourir à la grève, dans le cadre de la loi des faillites canadienne _, Benjamin Smith ne pourra rien changer chez Air France sans en passer par un accord avec le SNPL AF.

La création d’une véritable filiale long-courrier à coûts réduits, la poursuite du développement de  la filiale low cost Transavia ou l’achat de nouveaux avions régionaux plus performants pour Hop ! nécessitent notamment d’être négociés et approuvés par le SNPL AF.

Revoir la gouvernance

Benjamin Smith est également attendu sur  la gouvernance d’Air France et de KLM, dirigée respectivement par Franck Terner et Pieter Elbers. Au premier est reproché, à tort ou à raison, l’échec des négociations salariales et une accumulation de difficultés opérationnelles ayant conduit à une multiplication des retards et annulations de vols cet été.

Quant au second, si son bilan à la tête de KLM semble inattaquable, le degré d’autonomie de la compagnie néerlandaise vis-à-vis du groupe, ainsi que le non-respect de l’accord initial sur la répartition de la croissance entre Air France et KLM, sont autant de sources de tensions au sein du groupe. L’ancien PDG d’Air France-KLM avait même dû renoncer à siéger au conseil d’administration de KLM. L’une des priorités de Benjamin Smith sera donc de résoudre ces problèmes de gouvernance.

Les choix du gouvernement

Cependant, le succès ou l’échec du nouveau patron dépendra aussi des choix du gouvernement sur deux dossiers clefs : la réduction des charges pesant sur Air France et l’éventuelle cession des 14 % du capital encore détenu par l’Etat. Or, sur ces deux dossiers, les intentions du gouvernement sont encore très floues.

Les Assises du transport aérien, lancées en mars dernier par la ministre des Transports Elisabeth Borne pour réfléchir aux moyens d’améliorer la compétitivité du transport aérien français, tardent à déboucher sur des mesures concrètes. Initialement attendus pour septembre, les arbitrages interministériels ont pris du retard et ses « conclusions » ne seront pas connues, au mieux, avant la mi-octobre. Mais certains évoquent déjà un report à la fin de l’année.

Le boulet des charges françaises

Le diagnostic est pourtant bien connu. Avec des charges sociales et des taxes très supérieures à celle de nos voisins européens, le transport aérien français – et Air France en particulier – est lourdement pénalisé. Selon les chiffres d’Air France-KLM, ces charges sociales représenteraient à elles seules, un écart de coût de 400 à 700 millions d’euros avec les autres grandes compagnies européennes.

« Pour un salaire net de 100, le coût total – charge et taxes incluses – s’élève à 274 en France, 210 en Allemagne et 106 à Dubaï », expliquait l’an dernier, Jean-Marc Janaillac. Selon le directeur général d’Air France, Franck Terner, la différence entre le montant des charges d’Air France et de KLM serait égale à l’écart entre leurs résultats d’exploitation 2017 (588 millions d’euros pour Air France contre 910 millions pour KLM).

Des décisions attendues

Mais pour l’heure, la seule décision actée est une baisse de la majoration de la taxe d’aéroport à compter du 1er avril, ramenée de 1,25 euro à 0,9 euro par passager. Ce qui aurait permis aux compagnies d’économiser 50 millions d’euros, sur un montant total de plus d’un milliard d’euros de taxes acquitté chaque année par les compagnies françaises. L’une des principales revendications des compagnies aériennes – le plafonnement des charges patronales pour les hauts salaires de navigants, qui représentent à elles seules un surcoût de 400 millions pour Air France comparé à Lufthansa – ferait encore l’objet d’une étude d’impact sur le budget de la Sécurité sociale et ne figurera probablement pas au menu du prochain projet de loi de finances.

La question de la prise en charge par l’Etat des dépenses de sûreté – aujourd’hui entièrement à la charge des compagnies – se heurte également à un problème budgétaire : où trouver les 800 millions d’euros nécessaires au financement des nouveaux détecteurs d’explosifs qui seront obligatoires en Europe à partir de 2020 ? Quant à la fameuse taxe de solidarité – destinée à financer la lutte contre les épidémies dans les pays africains et qui ne pèse que sur le transport aérien – sa suppression est exclue. Il serait seulement question de plafonner le montant des versements et d’élargir son assiette à d’autres secteurs.

Bruno Trévidic – Les Echos

 

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